IVG : les contournements de la loi Veil
Alors que les états généraux de la bioéthique et la révision à venir des lois de 2004 occupent l’actualité nationale, à l’heure où la question de la recherche sur les cellules souches embryonnaires fait débat dans la société française, le statut de l’embryon puis du fœtus humain reste particulièrement précaire d’un point de vue scientifique, juridique et moral.
En 1975, la loi Veil dépénalisait l’avortement, en encadrant cet acte médical d’un délai légal. Depuis la loi de 2001, l’avortement ne peut être pratiqué en France que sur des embryons âgés de 12 semaines au plus (14 semaines d’aménorrhée). Chacune d’entre nous a sa propre opinion face à ces lois qui font toujours débat chez certains de nos voisins européens, au premier rang desquels l’Espagne très récemment.
En revanche, le non-respect de la loi, et l’interprétation libre qui en est faite par un certain nombre de médecins ou de travailleurs sociaux, me semble conduire à des dérives inacceptables au sein de nos propres établissements de santé. Une amie médecin, travaillant dans le service de gynécologie obstétrique d’un hôpital de la région, me racontait ainsi récemment le lourd paradoxe vécu au cours de sa semaine de travail :
- Le lundi, une jeune mère, accouchant prématurément, au terme de 25 semaines de grossesse, surveillait avec une inquiétude mêlée d’espoir les actes médicaux du personnel de réanimation néo-natale pour aider à vivre celui qu’elle considérait comme son enfant à part entière ;
- Le jeudi de la même semaine, une jeune femme enceinte de 22 semaines arrivait dans le même service pour demander une IVG, appuyée dans cette volonté par une antenne du planning familial. Cette structure annonçait, sans tromper personne, une grossesse de 12 semaines, dans le seul objectif de rendre possible l’avortement dans le cadre de la loi. En France en 2009, la loi sur l’avortement est ainsi régulièrement contournée pour donner accès à l’avortement à des femmes qui ont dépassé de plusieurs semaines le délai de 14 semaines fixé par la loi. Le fœtus, anesthésié préalablement, a été expulsé du ventre de sa mère sous les yeux du pédiatre, attendant de pouvoir constater sa mort clinique avant de retourner à ses activités quotidiennes.
Cette situation ne peut que nous interpeller. Comment est-il possible de comprendre une telle opposition entre les droits de la mère et ceux de l’enfant ? Comment est-il pensable qu’un fœtus de 25 semaines soit l’objet de tous les soins de réanimation, parce que sa mère a le désir de lui donner vie, tandis qu’un autre, à peine plus jeune, ne sera pas même considéré comme un être vivant, du seul fait que sa mère ne souhaite pas lui donner vie ? Que peut-on penser aussi du rôle du médecin, lorsqu’il accepte de pratiquer une IVG en dehors du cadre fixé par le législateur ?
Dans cette décision où interviennent le choix de la mère, le rôle du médecin et l’influence décisive et parfois militante du planning familial, il est important de redonner toute sa place au cadre législatif. Trop souvent détourné de son objet initial, le texte légalisant l’avortement dans certaines conditions devient ainsi un prétexte à la réalisation d’actes hors-la-loi, et qui vont à l’encontre du respect de la vie et de la personne humaine.
De sa conception à sa mort, de la recherche sur les cellules souches à l’euthanasie plus ou moins « active », l’être humain reste ainsi tributaire de celui qui décidera, parfois à sa place, de lui donner ou de lui refuser la vie. C’est pourquoi il est de notre responsabilité, quelle que soit notre sensibilité sur cette douloureuse question de l’IVG, de garder un œil attentif et vigilant sur ces pratiques qui, dissimulées par des personnels complaisants, se pratiquent très couramment dans les structures de soin habilitées.